Le mouroir des végans

Vanessa FUKS

Il y a des lieux pour sombrer plus facilement que d’autres. Des gouffres dont on pense ne pas remonter. Cette ville était de celle-là, une ville noire et tortueuse où se perdre était une évidence. D’autant plus facile qu’on est soi-même en perdition, en deuil d’une vie passée, d’une carrière glorieuse qui a implosé en vol. Et quand le flux vital s’arrête, il n’y a que le sang versé pour le ramener à la vie, pour faire revivre le flic dans l’homme perdu. Le sang des bêtes, le sang des hommes, mêlé à la décadence d’une société qui a perdu ses repères. Quand refuser la mort des animaux conduit à celle de l’homme, qu’il soit pour ou contre la brisure de ce lien ancestral qui nous unit, y compris dans la souffrance et le désespoir.


PRESSE

La Semaine Vétérinaire n° 1987 du 28/02/2023

Le massacre des innocents

Michel Bertrou

L’épaisseur des atmosphères, l’écriture ramassée, les phrases courtes qui en disent long, tous les ingrédients du (bon) polar sont là, dès la première page.

Le nouveau roman (le dixième) de notre consœur Vanessa Fuks – qui exerce en région Rhône-Alpes – met en scène un narrateur désabusé, policier défraîchi mis au placard dans une ville noire et tortueuse, « une espèce de trou plein de creux au milieu des montagnes » (on reconnaît Saint-Étienne).

En deuil d’un passé plus glorieux, il végète dans un petit bureau qu’il partage avec son chat Trouduk, qui dort sur les dossiers. Chargé d’enquêter sur un banal vol de veaux, le limier en fin de course a encore assez de ressources pour flairer un crime passé inaperçu, impliquant une communauté de jeunes militants vegans.
Peu tendre à leur égard, le récit pointe le paradoxe de leur extrémisme brutal (y compris pour les bêtes), mais c’est davantage à la violence souterraine d’une société en perte de repères, coupée d’elle-même, qu’il nous confronte à travers la démence meurtrière qui s’y déchaîne.

Si le vieux flic y retrouve un sursaut d’instinct vital, la souffrance et le désespoir demeurent. À l’image de cette ville « cabossée ». Un roman court et noir, remarquablement écrit.

https://www.lepointveterinaire.fr/publications/la-semaine-veterinaire/article/n-1987/le-massacre-des-innocents.html


K-libre du mardi 18 avril 2023

Malaise chez les panais

Laurent Greusard

Le narrateur est un policier, un inspecteur de la police judiciaire qui travaillait sur Paris mais qui, suite à des soucis, s’est retrouvé parachuté dans un coin paumé de la campagne profonde. Il ne s’y passe pas grand-chose et l’inspecteur peut tranquillement glander dans un bureau tout en s’occupant d’un chat qu’il a recueilli. Mais entre les ruines agricoles, les friches industrielles, et son regard un peu pessimiste sur les choses, il est facile de voir le monde en noir. Un jour, pourtant, une enquête va le mobiliser. En effet, un vieux paysan l’a appeler car des « inconnus » lui auraient volé des veaux. Inconnus est mis entre guillemets car, de fait, tout le monde soupçonne une bande de végans, vivant dans une ancienne ferme, militants spécistes qui embêtent tout le monde. Seul petit souci, l’une des dirigeantes du groupe est la fille d’un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, avec un papa interventionniste, ce qui complique les possibilités de fouiner. Mais en relevant les indices chez le paysan, l’inspecteur trouve une basket, récupérée par le chien du paysan. Or cette basket ne peut venir, justement, que du campement végan. Et quand il finit par arriver au camp, il va découvrir dans la nourriture des cochons, que les militants gardent, un bras avec un tatouage. Le policier va alors essayer de découvrir à qui appartient ce bras…

Le récit de Vanessa Fuks est centré sur les personnages dont on vient de parler. D’un côté un policier seul, désabusé, qui avance plus par la force de l’habitude que par nécessité fondamentale. Mais on apprécie ce misanthrope qui s’occupe de son chat et regarde de loin des végans si voués à vouloir sauver les animaux qu’ils semblent prêts à tuer des gens. De l’autre, le roman accumule les endroits sombres, les lieux sales, les gens visqueux, sans pour autant une seule seconde sembler forcer le trait, comme si le glauque était une donnée nécessaire de l’univers. Servi par un style dense, où chaque scène renforce l’ensemble, Le Mouroir des végans constitue une nouvelle pierre, une nouvelle réussite, dans l’édifice que construisent à la fois Vanessa Fuks et son éditeur, ensemble et séparément.

Citation

Rien ni personne, ne pouvait m’arrêter. J’étais dans cet état connu et redouté, celui qui m’avait conduit à la faute, à l’exil. Mais en aucun cas à une quelconque rédemption.

ISBN 9782379120510
17 €
126 pages
Format 140/205
Broché dos carré collé